lunes, 22 de febrero de 2010
Agnès Lanusse: "Lo que me contó el abuelito"
PAU. Agnès Lanusse est présidente des Amis de l'Association franco-argentine de Béarnais (Afab). Elle a coréalisé un film sur l'émigration des Béarnais en Argentine. Un pan de l'histoire méconnu
Association Franco-Argentine de Béarnais : béarnais, jadis migrants
Association Franco-Argentine de Béarnais : béarnais, jadis migrants
L'entretien
« Sud Ouest ».
« Sud Ouest ».
-Comment s'est réalisé le film « Lo que me conto abuellito... », qui signifie « Ce que me racontait mon grand-père » ?
Agnès Lanusse. Nous sommes partis quinze jours en 2007 et nous avons réalisé vingt-six heures de tournage avec de nombreux témoignages. Il nous a ensuite fallu deux ans et une vingtaine de dossiers pour trouver des financements pour le montage.
La Ville de Pau nous a toujours soutenus. Le Conseil général nous a versé une subvention il y a un mois. Les communes de Monein et Navarrenx ont donné, ainsi que la vallée d'Aspe - les autres vallées ne se sentent pas concernées. Le Crédit agricole nous a aussi apporté sa contribution. Le budget global s'élève à 21 000 ?.
Et puis, bien sûr, nous avons bénéficié d'un soutien sans faille de la Cumamovi (1) et du Creav (2). La musique a été écrite par Benoît Larradet et Denis Frossard, des Menestrèrs Gascons, à partir d'une musique traditionnelle, « La Caille », chantée par Florie Mesple.
Agnès Lanusse. Nous sommes partis quinze jours en 2007 et nous avons réalisé vingt-six heures de tournage avec de nombreux témoignages. Il nous a ensuite fallu deux ans et une vingtaine de dossiers pour trouver des financements pour le montage.
La Ville de Pau nous a toujours soutenus. Le Conseil général nous a versé une subvention il y a un mois. Les communes de Monein et Navarrenx ont donné, ainsi que la vallée d'Aspe - les autres vallées ne se sentent pas concernées. Le Crédit agricole nous a aussi apporté sa contribution. Le budget global s'élève à 21 000 ?.
Et puis, bien sûr, nous avons bénéficié d'un soutien sans faille de la Cumamovi (1) et du Creav (2). La musique a été écrite par Benoît Larradet et Denis Frossard, des Menestrèrs Gascons, à partir d'une musique traditionnelle, « La Caille », chantée par Florie Mesple.
-Sa projection au cinéma Le Méliès, à Pau, le 4 février, a été un succès.
Oui, nous avons refusé beaucoup de monde, c'est incroyable. Il y a une proximité importante avec l'émigration béarnaise. Pour moi, c'est important car j'avais des oncles en Amérique. Ces oncles sont devenus des immigrés comme les 120 000 Basques et Béarnais du département. Il y a énormément de personnes qui ont quelque chose à voir avec l'émigration, on n'y pense pas.
Oui, nous avons refusé beaucoup de monde, c'est incroyable. Il y a une proximité importante avec l'émigration béarnaise. Pour moi, c'est important car j'avais des oncles en Amérique. Ces oncles sont devenus des immigrés comme les 120 000 Basques et Béarnais du département. Il y a énormément de personnes qui ont quelque chose à voir avec l'émigration, on n'y pense pas.
-Comment expliquer cet engouement du public et le peu d'engouement des financeurs ?
Tout ce qui est béarnais n'intéresse pas les pouvoirs publics, notamment le Conseil général. Ce n'est pas un sujet d'actualité. Et puis ils ont une vision très centralisée. Notre culture béarnaise n'est pas très bien mise en valeur, contrairement à celle des Basques.
Quand on parle d'émigration, on nous dit souvent : « Ah oui, beaucoup de Basques sont partis. » Quand les Basques font une exposition sur l'émigration, ils ont eu de l'argent. Les Basques ont moins de mal que les Béarnais à se mettre en valeur. Les Béarnais sont « bergounious », ils ont honte.
Aujourd'hui, la culture béarnaise est l'oeuvre de militants, qui ont abouti à des fêtes populaires comme Hestivoc, le carnaval. Pau est aux couleurs de l'Occitanie, mais on a mis du temps à s'approprier notre culture.
Tout ce qui est béarnais n'intéresse pas les pouvoirs publics, notamment le Conseil général. Ce n'est pas un sujet d'actualité. Et puis ils ont une vision très centralisée. Notre culture béarnaise n'est pas très bien mise en valeur, contrairement à celle des Basques.
Quand on parle d'émigration, on nous dit souvent : « Ah oui, beaucoup de Basques sont partis. » Quand les Basques font une exposition sur l'émigration, ils ont eu de l'argent. Les Basques ont moins de mal que les Béarnais à se mettre en valeur. Les Béarnais sont « bergounious », ils ont honte.
Aujourd'hui, la culture béarnaise est l'oeuvre de militants, qui ont abouti à des fêtes populaires comme Hestivoc, le carnaval. Pau est aux couleurs de l'Occitanie, mais on a mis du temps à s'approprier notre culture.
-Il y a aussi un rapport particulier à l'émigration ?
Dans notre grande France, ce sont les Africains qui émigrent, pas nous ! Ou alors, nous, nous partons pour la liberté ! Or il faut savoir que nous sommes aussi partis parce que les terres étaient trop petites. On ne part pas quand on est bien quelque part.
La première fois que je suis partie pour l'Argentine, j'ai vu l'Ossau derrière moi et je me suis dit que j'allais revenir. Eux, quand ils sont partis, ils ne sont jamais revenus. On le voit dans le film. La petite-fille d'un Béarnais immigré dit : « Je suis convaincue que mon grand-père a beaucoup souffert dans cette terre. » Il y a des photos au Musée de l'immigration de Buenos Aires, où l'on voit des gens massés dans un réfectoire, des lits superposés posés dans des dortoirs...
-Pourquoi partaient-ils ?
On dit que c'est le cadet qui partait parce que l'aîné gardait les terres. Les cadets devenaient bergers ou domestiques des aînés. Les filles s'en allaient aussi parce qu'elles ne voulaient pas se marier. On les mettait alors sur des bateaux à voile, c'était moins cher.
Il y avait aussi les guerres de Napoléon III. En 1848, des républicains français sont partis aussi, comme Alexis Peyret. La période de départ s'est étalée de 1830 à 1870 et a continué aussi au XXe siècle.
On dit que c'est le cadet qui partait parce que l'aîné gardait les terres. Les cadets devenaient bergers ou domestiques des aînés. Les filles s'en allaient aussi parce qu'elles ne voulaient pas se marier. On les mettait alors sur des bateaux à voile, c'était moins cher.
Il y avait aussi les guerres de Napoléon III. En 1848, des républicains français sont partis aussi, comme Alexis Peyret. La période de départ s'est étalée de 1830 à 1870 et a continué aussi au XXe siècle.
-Comment ces voyages étaient-ils organisés ?
Il y avait des agences d'immigration qui faisaient de la propagande sur les marchés. On recrutait, on donnait des passeports. Les gens partaient parce qu'ils avaient un métier : charpentier, boulanger, charcutier, laboureur. Ils étaient appelés par le gouvernement argentin. Ils prenaient ensuite le bateau de Bayonne, de Bordeaux ou d'Espagne.
Il y avait des agences d'immigration qui faisaient de la propagande sur les marchés. On recrutait, on donnait des passeports. Les gens partaient parce qu'ils avaient un métier : charpentier, boulanger, charcutier, laboureur. Ils étaient appelés par le gouvernement argentin. Ils prenaient ensuite le bateau de Bayonne, de Bordeaux ou d'Espagne.
-Pourquoi ne sont-ils pas revenus ?
Ils ne pouvaient pas forcément. Et puis, comme tout le monde, une fois installés, les enfants à l'école, ils ont fait leur vie. Au bout du compte, ils sont devenus Argentins. C'est partout pareil. J'avais des voisins tunisiens à Orthez, ils avaient fait construire une maison en Tunisie, mais ils ne repartaient pas ou que pour les vacances. Les enfants étaient à l'école ici.
Ils ne pouvaient pas forcément. Et puis, comme tout le monde, une fois installés, les enfants à l'école, ils ont fait leur vie. Au bout du compte, ils sont devenus Argentins. C'est partout pareil. J'avais des voisins tunisiens à Orthez, ils avaient fait construire une maison en Tunisie, mais ils ne repartaient pas ou que pour les vacances. Les enfants étaient à l'école ici.
-Au fond, nous aussi, les Béarnais, avons été les immigrés des autres ?
Oui, mais dans notre histoire de France, on ne nous a jamais dit qu'on avait émigré. La seule différence avec les émigrés d'aujourd'hui, c'est que eux avaient du boulot assuré. Comme les immigrés des années soixante-soixante-dix en France.
Oui, mais dans notre histoire de France, on ne nous a jamais dit qu'on avait émigré. La seule différence avec les émigrés d'aujourd'hui, c'est que eux avaient du boulot assuré. Comme les immigrés des années soixante-soixante-dix en France.
-C'est un film très actuel...
C'est un film qui explique que c'est la même histoire de souffrance des émigrés béarnais que celle des émigrés actuels. Une fois dans le pays, on adopte une nouvelle culture et on se sent du pays. C'est la question de l'identité nationale.
C'est un film qui explique que c'est la même histoire de souffrance des émigrés béarnais que celle des émigrés actuels. Une fois dans le pays, on adopte une nouvelle culture et on se sent du pays. C'est la question de l'identité nationale.
-Et de la souffrance de partir...
Le partir est toujours quelque chose de douloureux. Alors, je me mets à la place des immigrés. Je suis toujours bouleversée quand on expulse des gens. Alors que leur présence ne nous enlève rien. Depuis que le monde est monde, les populations ont toujours bougé. Pourquoi sommes-nous aussi peu tolérants avec les gens qui arrivent. Pourquoi faut-il les remettre dans des avions ? Imaginez si, à l'époque, on avait remis les Béarnais sur les bateaux dans l'autre sens !
« Lo que me conto abuellito... » sera rediffusé au cinéma Le Méliès (6, rue Bargoin à Pau) le lundi 12 avril, à 20 h 15. Contact : les Amis de l'Association franco-argentine de Béarnais. Sur internet : amis-afab.com (1) Coopérative d'utilisation de matériels de montage vidéo. (2) Le Creav est une agence de communication audiovisuelle.
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